Perception ou Percevoir

Ce texte est une réflexion qui se rapproche plus du terme « Percevoir » que de la « perception »
elle‐même.
Je suis toujours étonné comment un concepteur lumière parle de son projet, comment il
communique avec ses images, si expressives. On en oublierait presque que les projets sont fait
pour être vécus et pas seulement pour être vus !
Ce n’est pas forcément ce que l’on voit qui est important mais ce que l’on ne voit pas également.
Aller donc au‐delà des premières perceptions, abandonner nos certitudes visuelles : « Je ne crois
que ce que je vois ! » Vraiment ?
Alors « Percevoir », serait pour moi : « Percer ce que l’on voit ! »
La question se pose : ce que nous voyons n’est pas forcément toute la réalité, n’y a‐t‐il pas
plusieurs degrés à la perception des choses ? Celle‐ci n’évolue t’elle pas constamment ?
Dans un espace lumière, n’y a t‐il pas plusieurs degré de lecture? Toutes les perceptions sont
pourtant si différentes, variables suivant notre humeur, nos références culturelles, nos
appréhensions, nos désirs. Chaque projet est donc pour moi : multiforme ! Suffit de penser que
nous ne devons pas enfermer la perception des autres à notre propre vision des choses.
Nous devons laisser la place au ressenti. En tant que concepteur lumière nous jouons
constamment avec le réel, nous sollicitons les mystères de l’obscurité et de la clarté. Au‐delà de
ce que l’on voit, nous ressentons, laissant la place à l’émotion.
Je peux donc percevoir autant la lumière que l’ombre. La nuit n’est pas ténèbres mais une sorte
de perspective mystérieuse qui ouvre notre imaginaire.
Pour percevoir il y a bien dans l’ombre une épaisseur, une consistance, une présence. Dans
L’éloge de l’ombre, Tanizaki Junichirô, écrivain Japonais, décrit la brillance étincelante de la
laque noire:
« Le bol de laque à la teinte sombre, vous donne, jusqu’à ce que vous le portier à la bouche, le
plaisir de contempler, dans ses profondeur obscures, un liquide dont la couleur se distingue à
peine de celle du contenant et qui stagne, silencieux, dans le fond. Impossible de discerner la
nature de ce qui se trouve dans les ténèbres du bol, mais votre main perçoit une lente oscillation
fluide, vous apprend qu’une vapeur s’en dégage, et le parfum que véhicule cette vapeur vous
offre un subtil avant‐goût de la saveur liquide, avant même que vous en emplissiez votre
bouche. »
Pierre Soulage parle également de cette abstraction. Son travail utilise le rythme et la longueur
d’onde comme outil, en contact avec la matière noire. Il crée ces effets de réflexion sur des
surfaces poreuses ou brillantes. Il fait exister son oeuvre non pas sur le tableau lui‐même, mais
entre la toile et notre oeil. C’est dans cet espace relationnel que la lumière fait lien, entre le réel
et notre perception du réel.
En Lumière nous utilisons « le Prisme ». Tout comme l’esprit, il démultiplie les sens. Notre
perception mental serai comme une lumière en perpétuel mutation : elle est vivante, elle tourne,
elle rebondit, elle traverse, elle se diffuse, elle éclate, elle se divise et se réconcilie, elle est
constamment en mouvement.
Je finirai par cette dernière citation du poète Philippe Jaccottet :
« Comment se fait‐il que nous puissions fermer les yeux et garder en nous le visible ? Et ne nous
serait‐il pas permis, de faire comme l’anémone qui se referme, au soir, sur ce qu’elle a absorbé
de jour, et se rouvre le lendemain un peu plus grande ? »
Aurélien de Fursac

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